La culture parlementaire du parlement britannique à Westminster est façonnée par des coutumes, des traditions, des rites et des conventions facilement reconnaissables, notamment lors des questions au Premier ministre (Prime Minister’s Questions ou PMQ). Le débat, en tant qu’activité inhérente au parlement, fait du discours parlementaire une caractéristique de cette culture. La prise de parole des députés, soumise aux règles et aux normes très formelles de la Chambre, sont censées, selon le guide de bonne conduite, Erskine May, refléter les caractéristiques du langage parlementaire telles que « la bonne humeur et la modération » (E. May 2019). De telles règles ne semblent pas superflues au regard de l’aspect confrontationnel des débats. Il paraît alors surprenant d’assister à des échanges où les attaques verbales sont très courantes, voire font partie intégrante des débats (Illie 2004). Les raisons qui peuvent être avancées pour justifier cette caractéristique des PMQ sont principalement structurelles. En effet, outre l’aspect conflictuel des débats, dû en partie à la disposition spatiale de la Chambre et au système électoral favorisant les deux plus grands partis politiques du pays, la fonction même des PMQ, celle d’amener le gouvernement à rendre des comptes sur ses décisions et son action politiques, implique nécessairement des attaques menaçant la « face » (au sens où on l'entend en pragmatique avec les Face Threatening Acts et les Face Attacking Acts (Brown and Levinson 1987)) du Premier ministre et des membres du gouvernement (Thomas 2004). De plus, le seuil de tolérance relatif aux infractions au règlement est très élevé en ce qui concerne les insultes, et ce tout particulièrement pendant les PMQ (Harris 2001). Enfin, ces séances étant les plus fréquentées par les députés et l’événement de la semaine parlementaire le plus suivi par les médias, les enjeux pour le gouvernement, et pour l’opposition, sont très élevés. L’insulte est alors l’outil de prédilection pour marquer des points. C’est pour ces différentes raison que l’insulte caractérise le discours parlementaire des PMQ (Pérez de Ayala 2001), certains chercheurs parlant d’ailleurs du discours des PMQ comme un genre à part entière en matière de menaces portant sur la « face » (Pérez de Ayala 2001). L’insulte est, en réalité, attendue, elle est devenue une norme (Culpeper 2011) à laquelle il est difficile de se soustraire. Dans ce contexte conflictuel, tout en constituant un marqueur du discours parlementaire des PMQ, et reflétant la culture propre aux séances de questions au gouvernement, l’insulte porte une charge sémantique qui sert à marquer les différences idéologiques et identitaires entre les partis politiques, sur des thèmes comme l’Union européenne, le socialisme, ou encore la sécurité. Lorsque de nouveaux députés intègrent le groupe parlementaire, ils intègrent à cet égard une « communauté de pratique » (Lave 1991 ; Harris 2001). En effet, les membres plus anciens, plus expérimentés montrent à ces députés nouvellement élus les pratiques à intégrer. Ces derniers, en adoptant cet habitus, permettent de faire perdurer les particularités culturelles et identitaires du groupe. La maîtrise, voire l’art de l’insulte se transmet, et c’est ainsi que certaines formules ou paroles offensantes sont adressées à, et utilisées par de nombreux Premiers Ministres (conservateurs dans le corpus que nous avons retenu pour cette étude). Cette communication a pour objectif de mettre en évidence les différentes fonctions de l’insulte proférée lors des PMQ dans le processus mémoriel et identitaire du groupe parlementaire conservateur. Nous aurons tout d’abord soin de définir en quoi l’insulte contribue à créer un discours spécifique pendant les PMQ, et en quoi elle fait partie intégrante de la culture parlementaire. Puis, nous examinerons l’attaque verbale en tant que norme du débat parlementaire des PMQ et ses effets sur le groupe conservateur en particulier. Enfin, une dernière partie nous amènera à considérer dans quelle mesure l’insulte, en tant qu’objet mémoriel, contribue à la mémoire collective, et à la construction identitaire du groupe parlementaire conservateur.