Dans un contexte de légitimation de la bande dessinée et d’« extension du domaine de la non fiction » (Groensteen), les cinq albums de Liv Strömquist traduits en français sont reçus et présentés comme des « essais », à l’intérieur d’un champ qui s’est pourtant peu approprié cette catégorie générique et éditoriale issue de la littérature. À l’intérieur d’un contexte de légitimation qui valorise cette comparaison avec ce qui est d’abord perçu comme un genre littéraire, les albums de Liv Strömquist ne revendiquent pourtant pas le sérieux et la dignité artistique de la littérature. C’est au contraire une stratégie du mineur qui soutient la dimension essayiste des albums de Strömquist : à côté d’un format long, de l’abondance de notes et de références bibliographiques, Strömquist privilégie un style graphique qui convoque l’esthétique du fanzine, du dessin satirique et de la caricature, autant de traits qui exhibent la bande dessinée comme art mineur à l’intérieur d’un propos théorique très dense. L’article montre comment Strömquist exploite les potentialités à la fois ludiques, critiques et cognitives de cet ancrage esthétique dans le dessin satirique et la polygraphie (Smolderen) pour modéliser les comportements sociaux. Il s’arrête en particulier sur l’usage que fait Strömquist du personnage caricaturé à l’intérieur d’une forme toujours séquentielle mais qui n’est plus utilisée de façon narrative.